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The Saskatoon StarPhoenix (en anglais, "Let's stand on our own feet")
vendredi, le 20 mars 2009

Tenons bon!

de David Orchard

Pendant plus de trois décennies, on nous rebattu les oreilles des vertus de la « déréglementation », du « libre-échange », de la « privatisation » et de la « mondialisation ». Il n'était plus de bon ton de dire que les entreprises établies au Canada devaient appartenir à des intérêts canadiens. Les programmes et les institutions qui servaient les Canadiens devaient être jetés aux orties. Les « marchés libres » représentaient l'avenir, et toute « barrière » n'était qu'un reliquat inefficace de l'ancien système. Quant au gouvernement, moins il était présent, mieux c'était. Enfin, le Canada avait tout intérêt à intégrer son économie à celle des États-Unis, et, mieux encore, à adopter la devise américaine.

Ceux qui n'étaient pas d'accord se faisaient taxer de « luddites », de « socialistes », de « protectionnistes » et de « xénophobes ». Lorsqu'il a mené la charge contre l'Accord nord-américain de libre-échange, le chef libéral John Turner s'est fait vilipender pour oser s'attaquer au dogme de la majorité.

Mais tout a changé. Certains de ceux qui, naguère encore, se faisaient les chantres d'un monde sans frontières et sans règlements ont aujourd'hui viré leur cuti. À preuve, une couverture de Newsweek annonçant que « nous sommes tous socialistes maintenant ». Le premier ministre Harper et le ministre des Finances Flaherty, qui préconisaient voilà peu un secteur financier encore plus déréglementé, et ne rataient jamais l'occasion de pourfendre les « protectionnistes » et les « socialistes », n'hésitent pas aujourd'hui à porter aux nues l'indépendance et la solidité des établissements bancaires et financiers du Canada. Les dirigeants séparatistes, qui déclarèrent jadis qu'ils n'avaient plus besoin du marché canadien, crient maintenant au loup parce que près de 80 p.100 des exportations du Québec dépendent d'une économie américaine en chute libre. Ceux qui préconisaient que le Canada adopte la devise américaine ne jurent plus désormais que par le système financier canadien.

Nous qui avons lutté pour protéger notre souveraineté et l'indépendance de nos institutions n'en croyons tout simplement pas nos yeux.

Or, chose inexplicable, les appels en faveur d'une intégration plus poussée avec les États-Unis continuent de se faire entendre, même de plus en plus fort. Leurs auteurs voient dans l'élection de Barack Obama une occasion en or. Selon notre ex-ministre des Affaires étrangères, David Emerson, les Canadiens seraient aujourd'hui « moins frileux ». Dénonçant la « tyrannie des petites différences » qui demeurent entre le Canada et les États-Unis, il déclare que le moment est venu « de concrétiser une vision plus large… où l'Amérique du Nord ne serait plus qu'une seule et même entité sur les plans de l'économie, de l'environnement et de la sécurité ».

Ce qu'Emerson et ses collègues proposent avec impudence, c'est la création d'une forteresse nord-américaine pratiquant la politique étrangère des États-Unis, et partant, la fin de la souveraineté du Canada.

L'abandon de nos ressources et de nos entreprises à des intérêts étrangers a coûté aux Canadiens des milliards de dollars et des milliers d'emplois. Nous apprenons aujourd'hui, non sans surprise, que le phénomène de la « mondialisation » n'est pas universel puisque 77 p. 100 du pétrole mondial appartient à des entreprises pétrolières nationales, et pas multinationales. De plus, les États-Unis ont adopté une politique énergétique nationale dans le but d'assurer leur autosuffisance, leur sécurité et le contrôle de leurs approvisionnements énergétiques, mais le Canada n'a pas jugé bon d'en faire autant. Nos dirigeants en tremblent rien que d'y penser! C'est la raison pour laquelle les Québécois, les Canadiens de l'Atlantique et près de la moitié des Ontariens dépendent du pétrole importé, et que tous les Canadiens paient un prix mondial « exorbitant » pour une ressource que nous avons en abondance.

Résultat des courses?

Après avoir expédié son pétrole chez son voisin du sud pendant des décennies, en lui imposant des redevances ridiculement faibles, l'Alberta se retrouve aujourd'hui en situation déficitaire, prête à entamer son petit fonds du patrimoine de 14 milliards de dollars, alors que la Norvège, qui possède des ressources pétrolières comparables, a mis de côté tous ses profits pétroliers (son fonds du patrimoine s'élève à environ 400 milliards de dollars) et a maintenu son industrie entre des mains norvégiennes. Les Norvégiens, dont le niveau de vie dépasse celui des Canadiens, sont-ils des « luddites », des « protectionnistes » ou tout simplement de bons gestionnaires?

Je réclame depuis des années l'adoption d'une politique industrielle canadienne axée sur nos besoins, prévoyant notamment une industrie canadienne de la construction navale, notre sécurité énergétique d'est en ouest, une infrastructure nationale pour la construction de machines agricoles, et un secteur automobile d'avant-garde. (Au lieu de promouvoir la construction d'une voiture canadienne écologique, notre gouvernement s'apprête à investir des milliards de dollars pour secourir une industrie qui appartient à des intérêts étrangers, sur laquelle nous n'avons aucun contrôle et dont le produit n'est ni d'avant-garde, ni écologique.)

Ce n'est pas en comptant sur les investissements étrangers qu'on devient une grande puissance. Or, non content d'avoir bradé lamentablement notre industrie de l'acier, notre gouvernement s'apprête à brader d'autres industries, notamment à céder le commerce des céréales de l'Ouest à des intérêts étrangers, après avoir détruit la Commission canadienne du blé. À l'heure actuelle, déjà plus de la moitié des profits de notre secteur de la fabrication vont à des propriétaires étrangers. Au lieu de continuer, par manque de volonté, de brader notre économie au nom de la mondialisation, idéologie aujourd'hui largement discréditée, le gouvernement devrait renforcer son contrôle sur les ressources dont nous disposons. On pourrait commencer, par exemple, par construire un gigantesque réseau électrique d'est en ouest, qui permettrait de desservir toutes les régions du Canada avec l'électricité produite par Terre-Neuve, le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec. Un tel système coûterait moins cher, attirerait des industries, rendrait inutile la construction de nouvelles centrales nucléaires et contribuerait à unifier encore davantage notre pays en augmentant sa sécurité et son indépendance. Il n'y aurait plus de panne d'électricité générale en Ontario.

Nos parents ont créé Trans Canada Airways (Air Canada), la troisième flotte marchande au monde et l'avion de chasse le plus rapide au monde, l'Avro Arrow. Leurs parents avaient construit les grandes voies ferrées et l'infrastructure nationale du pays. Les fondateurs du Canada imaginaient un pays puissant, qui serait le satellite de nul autre pays. Louis Riel décrivait le Canada comme une terre promise où les opprimés de la Terre pouvaient venir se réfugier. George-Étienne Cartier et John A. Macdonald ont vu le Canada devenir une puissance continentale. Que diraient-ils aujourd'hui à ceux qui ont accepté que les entreprises du Canada soient bradées à des intérêts étrangers et que ses institutions soient démantelées, et qui vont maintenant mendier quelques morceaux de contrats américains, tout en implorant de faire partie de « l'entité nord-américaine »? Et tout cela se passe précisément au moment où la puissance américaine est en train de s'effondrer et où la nôtre pourrait, sous un leadership éclairé, commencer à émerger.


David Orchard est un fermier et l'auteur de Hors des griffes de l'aigle : quatre siècles de résistance canadienne à l'expansionnisme américain. En 2008, il s'a présenté comme candidate Libérale dans le nord de la Saskatchewan. On peut le joindre au (306) 652-7095, ou à davidorchard@sasktel.net www.davidorchard.com

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