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10 mai 2006

On fait fausse route en Afghanistan

de David Orchard

Alors que les Canadiens continuent de se battre et de mourir en Afghanistan, le premier ministre Harper déclare que le Canada « ne se défilera pas », malgré le nombre croissant de victimes. Le chef d'état major de la défense, Rick Hellier, affirme de son côté que « le Canada est en Afghanistan pour longtemps... au moins pour dix ans, et sans doute plus. » Le ministre canadien des Affaires étrangères, quant à lui, est catégorique : « le Canada ira jusqu'au bout ».

Mais pourquoi le Canada est-il en Afghanistan?

On nous dit que l'Afghanistan était un repaire de terroristes et que, par conséquent, pour protéger le reste du monde, il fallait renverser son gouvernement.

En droit international, cependant, il ne suffit pas d'affirmer qu'un pays est un repaire de terroristes pour justifier l'occupation aggressive dudit pays. On pourrait d'ailleurs dresser une longue liste des pays qui ont abrité, bon gré mal gré, des gens qu'on pourrait qualifier de terroristes. Le droit international n'autorise le recours à la force militaire que dans le cas où un pays fait l'objet d'une attaque directe et persistante ou à condition que ce recours soit autorisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Or, le Canada n'a jamais été attaqué par l'Afghanistan.

Quant au Conseil de sécurité, les résolutions adoptées à l'ONU au sujet de l'Afghanistan avant l'invasion américaine d'octobre 2001 ne prévoyaient aucunement le recours à la force militaire. Aujourd'hui, les soldats canadiens ne sont pas sous le contrôle de l'ONU, ils ne portent pas un casque bleu, et ils sont placés sous le commandement américain, dans le cadre de l'opération « Enduring Freedom ».

Mais nous y sommes pour la bonne cause, nous dit notre gouvernement : pour aider un pays déchiré par la guerre à retrouver la stabilité; pour apporter la démocratie à un pays qui en a grandement besoin; et pour favoriser l'émancipation des femmes et des jeunes filles qui ont cruellement souffert sous le joug des Talibans.

Pourtant, l'histoire nous enseigne qu'on peut rarement imposer la « démocratie » à un pays sous la menace du canon. Que les pays qui essaient d'imposer leur système de gouvernement à d'autres pays provoquent inéluctablement de la résistance. Que bon nombre de guerres coloniales en sont des exemples flagrants, y compris celles qui ont marqué l'histoire de l'Afghanistan.

Parlons maintenant de l'influence de l'Occident sur la société afghane. Selon un rapport de l'Association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan publié peu de temps après l'invasion, la situation des femmes était pire sous le contrôle de nos Alliés, l'Alliance du Nord, que du temps des Talibans. Selon cette Association, « Dès qu'ils [l'Alliance du Nord] ont pris le pouvoir, ces gens-là ont décrété, parmi d'autres restrictions sordides, le port obligatoire du voile pour toutes les femmes. Il faut que le monde entier sache que pour ce qui est du nombre de viols perpétrés sur des filles et des femmes âgées de 7 à 70 ans, les Talibans sont loin d'égaler les alliés de l'Alliance du Nord... » Et il s'agit de femmes qui s'étaient précisément opposées aux Talibans dans le passé et qui, à ce titre, avaient été célébrées dans les médias américains avant l'invasion.

Le Canada fait aujourd'hui partie des forces étrangères qui occupent l'Afghanistan, et il participe à une guerre qui a fait au bas mot 20 000 victimes afghanes pendant les six premiers mois.

C'est en 1991, lorsqu'ils ont attaqué l'Irak, que les États-Unis ont utilisé pour la première fois des munitions en uranium appauvri. Depuis, ils en ont utilisé de grandes quantités en l'ancien Yugoslavie, en Iraq et en Afghanistan. La contamination causée par l'uranium appauvri reste extrêmement toxique pendant des centaines de milliers d'années. Dans Update on Depleted Uranium and Gulf War Syndrome, docteur Rosalie Bertell affirme que l'utilisation d'uranium appauvri constitue « une violation flagrante du Protocole de Genève sur l'utilisation de gaz en cas de conflit ». Selon elle, « l'uranium appauvri produit ce qu'on qu'on appelle communément des ‘vapeurs métalliques', soit un gaz extrêmement toxique quand on le respire. On peut aussi le classer dans la catégorie des armes radiologiques à capacité de destruction indifférenciée, qui transcendent les frontières nationales et dont les effets persistent bien après la fin du conflit ». En attendant, on parle très peu de l'incidence de l'uranimum appauvri sur la population afghane et sur les soldats américains et canadiens.

Il faudrait peut-être essayer de voir un peu plus loin que les raisons invoquées officiellement pour justifier cette guerre. Dans son livre intitulé Perpetual War for Perpetual Peace, l'écrivain américain éminent Gore Vidal écrit que « Nous avons besoin de l'Afghanistan parce que c'est la porte d'entrée de l'Asie centrale, laquelle regorge de pétrole et de gaz naturel... C'est aussi simple que cela. Nous sommes en train de prendre le contrôle de l'Asie centrale. »

Il est temps que le Canada se pose de sérieuses questions quant à son engagement dans cette guerre. S'il veut vraiment y jouer un rôle de maintien de la paix, il faut alors que les États-Unis commencent par s'en retirer. Ce n'est qu'à cette condition que le Canada peut envisager, s'il y est invité par les Nations Unies, de contribuer à stabiliser ce pays. Participer à une opération militaire conduite par les Américains dans le but de contrôler le pays ne revient pas à maintenir la paix, bien au contraire.

Les menaces proférées par les États-Unis envers l'Iran sont les signes annonciateurs d'une escalade d'événements qui ne peuvent être justifiés sur les plans juridique, moral ou pratique mais dans lesquels le Canada risque de se retrouver irrémédiablement entraîné.


David Orchard est l’auteur de Hors des griffes de l’aigle : Quatre siècles d’expansionnisme américain. Il exploite une ferme à Borden, SK. Il s’est présenté à deux reprises à la direction de l’ancien Parti progressiste conservateur du Canada et est aujourd’hui membre du Parti libéral du Canada. On peut le joindre à davidorchard@sasktel.net ou au (306) 652-7095.

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